Résister au fascisme

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La société espagnole de 1931 à 1936
ou
Dans quelles conditions JOSE devient un combattant de l'armée républicaine

1. L'armée reste, comme aux siècles passés, l'un des piliers de la politique qu'elle n'a de cesse de vouloir contrôler.

Elle est parcourue de courants divers avec sa droite, sa gauche et ses opportunistes, le plus grand nombre. Les premiers restent attachés à la monarchie et aux valeurs conservatrices. Certains parmi eux sont conquis par les idées fascistes qui se développent à ce moment là en Allemagne et en ITALIE . Ils vont être à l'origine du coup d'état contre la République. Ce sont les généraux SANJURJO, GODET, MILLAN, ASTAY, QUEIPC, DELLANO, MOLLA et celui qui en devint le chef FRANCO. Ils recevront tout l'appui nécessaire de la part des droites conservatrices et de l'extrême droite fascisante avec les carlistes, parti ultra monarchiste à l'origine de trois guerres civiles au XIXe siècle et avec la phalange de JOSE PRIMO DE RIVERA, fils du dictateur destitué. La hiérarchie catholique dominée par le cardinal SEGURA les soutient activement dés le début de leur pronunciamiento. Les généraux veulent appliquer aux Républicains les méthodes de guerre qu'ils ont développé pendant le conflit colonial du RIFT marocain où ABDELKRIM les tint longtemps en échec. La défaite espagnole d'Anoual en juillet 1921, fut pour l'ESPAGNE militaire ressentie comme un humiliant désastre. Cette guerre très impopulaire dans la gauche et pour une petite partie des libéraux dura de 1909 à 1925. Sans l'implication de la France, elle-même engagé dans la guerre contre les tribus emmenées par ce chef courageux et efficace que fut ABDELKRIM, et qu'elle captura, il n'est pas certain que l'ESPAGNE aurait pu finalement gagner. L'armée dans les dernières années de la monarchie comprenait 150 000 hommes et bien trop d'officiers pour les encadrer. AZNA, homme de lettre socialiste ministre de la guerre au début de la République tenta de réformer l'armée avec une réduction du surencadrement, une limitation de ses pouvoirs politiques pour lui donner une efficacité meilleure. Il en résulta, en fait, un mécontentement de beaucoup d'officiers qu'exploitèrent les généraux factieux. Pour leur conspiration ils utilisent la légion étrangère, brutale et sanguinaire, le Téreio, composée d'espagnols de quelques mercenaires portugais, français, allemands beaucoup de marocains, les régulares. A cause de cette armée peu fiable pour la République, la gauche espagnole créa une garde d'assaut républicaine pour lui faire contrepoids.

Dans l'armée, le courant de gauche, très minoritaire existe mais il est laminé par les épurations qu'y fait la droite quand elle devient de nouveau majoritaire en 1933. L'affaiblissement crée eut bien sûr des conséquences négatives, bien sûr, quand le Front Populaire de 1936 doit faire face à l'agression des généraux factieux et de leur troupe.

Enfin il faut noter que l'armée ressentit plus mal les statuts d'autonomie catalan (1932) et basque et l'évolution de la République vers le fédéralisme pénétrée qu'elle est de la nécessité d'un état centralisateur et impérialiste à l'image de la monarchie à son âge d'or.

JOSE a vraisemblablement conscience que l'armée, en 1936, restée fidèle à la République ne pourra faire face au coup d'état des généraux sans une mobilisation du peuple des ouvriers, des paysans, des artisans, des petits commercants, des étudiants et des fonctionnaires modestes. Autrement dit : du monde du travail.

2. La bourgeoisie, malgré ses tentatives, ne surmonte pas ses contradictions profondes et n'assure pas le développement économique de l'ESPAGNE à l'image de ses voisins européens.

L'ESPAGNE est un pays attardé au plan économique au moment où la République est proclamée par rapport aux autres pays européens capitalistes que sont l'Angleterre, la France et l'Allemagne. Son marasme s'est étendu tout au long de XIXe siècle et s'est accentué à la fin de ce XIXe siècle. Le premier quart du XXe siècle n'aboutit pas au redressement visé que tenta Primo de RIVERA au début de sa prise de pouvoir de 1923 à 1930. En 1931 la République doit faire face à des situations de véritable sous développement.

La bourgeoisie est, en gros, divisée en deux grands camps opposés : les conservateurs et les libéraux. Chacun ayant leurs extrêmes et leurs centres. Au plan industriel elle s'occupe de textile en Catalogne, de fer, d'acier, de charbon en Gallice et dans les Asturies. Mais les grandes faiblesses dans la recherche d'une meilleure productivité par une modernisation de l'outil de production, du capital et des infrastructures pousse à un protectionnisme renforcé et à un comportement autarcique qui bloquent le développement. Les victimes de ce comportement sont d'abord le monde du travail et le pays ensuite.

En 1931, pour la composante libérale de centre gauche, radicale la république paraît être la forme constitutionnelle la mieux adaptée aux progrès indispensables à accomplir quitte à faire alliance pour contrôler le système un temps avec les forces socialistes du pays dont le succès électoral aux élections municipales est incontournable. Alcalé ZAMORA en prend la tête le 14 Avril 1931 et en démissionne en Octobre de la même année remplacé par le socialiste modéré Manuel AZANA républicain intransigeant. Les Cortes furent après les élections du 28 Juin 1931 dominés par les hommes de gauche et du Centre gauche et la Constitution qu'ils élaborent proclame "une république démocratique des travailleurs de toutes les classes". "Le pouvoir politique modifie le code pénal, légalise le divorce, laïcise l'espace social par la suppression des croix des cimetières, des écoles et des lieux publics, et l'interdiction des processions...". Il met en chantier 27 000 écoles primaires, rénove l'enseignement secondaire et supérieur. Mais de vraies réformes économiques restent en panne. Le problème des campagnes, du monde travailleur rural, n'est pas solutionné réellement alors que 45% des 23 millions d'Espagnols travaillent dans l'agriculture en 1930 à l'image de JOSE. Dés lors la politique de gauche déçoit ce qu'exploite très largement les droites qui se sont ressaisis et gagnent les élections du 19 novembre 1933. Au premier bieno réformiste succède le bieno negro aidé fortement en cela par la politique d'abstention prônée par les anarchistes. Le bieno negro dont LERROUX radical de droite assure la responsabilité gouvernementale est dominé par les conservateurs regroupés dans la Confédération espagnole des droites autonomes La C.E.D.A.. A. ZAMORA est à nouveau président. JOSE Maria GIL ROBLES en est une des grandes figures avec un "popularisme" imprégné de fascisme. C'est la période où la phalange prend naissance dans un mysticisme impérial et clérical où se mêle un vocabulaire de démagogie grossière et pseudo révolutionnaire. La très grande propriété foncière latifundiaire, une oligarchie très conservatrice des valeurs anciennes de la monarchie, très ombrageuse et jalouse de ses prérogatives pèse alors de toutes ses forces. Il s'en suit une reprise en main réactionnaire : jésuite et religieuse interdits d'enseignement peuvent à nouveau rouvrir des écoles, les putschistes de la tentative de renversement de la république emmenés par le général royaliste SANJURJO sont amnistiés, l'armée est vidée de ses soutiens républicains de gauche, une contre réforme agraire est instaurée... Mais cet avènement des droites bourgeoises provoque une flambée révolutionnaire dont l'un des symboles fort fut Largo CABALLERO, un des leaders du parti socialiste espagnole qui affirme en février 1934 : " A présent, le seul espoir des masses est dans la révolution sociale" (A. DULPHY). C'est ce que montre l'insurrection asturienne qui met en place, en 1934 un pouvoir révolutionnaire du type soviet autour d'OVIEDO et qui dure deux à trois semaines. Lors de ce soulèvement s'illustre Dolores IBARRURI, alors âgé de quarante ans, la PASIONARIA - la fleur de la Passion-. Le soulèvement permet aux militants du PCE de s'affirmer réellement, avec force, au plan du changement révolutionnaire. Mais la répression est féroce. Elle est dirigée par FRANCO avec la légion et les regulares marocains. Elle fait 2 000 morts, 3 500 blessés et il y eu de 15 000 à 30 000 arrestations politiques dans l'ESPAGNE dont la les Asturies. Elle préfigure la guerre civile d'ESPAGNE. Mais LERROUX est un corrompu et la majorité bourgeoise de droite devenue impopulaire éclate en 1936, les Cortes sont dissous le 7 janvier. Les forces de gauche se sont unis dans un Front Populaire. Elles regroupent toutes ses composantes : le PSOE - parti socialiste ouvrier espagnol - la gauche républicaine - l'union républicaine - le PCE - parti communiste espagnol - le POUM - parti ouvrier d'unification marxiste d'obédience trotskiste - les anarchistes de la CNT qui pour les élections levent leurs consignes habituelles d'abstention. Le Front populaire Espagnol triomphe alors aux élections du 16 février 1936. Le 10 Mai 1936 AZANA est élu à la présidence. Avec cet homme de qualité qui décédera en France où il s'était réfugié, dans un triste anonymat, des figures remarquables de la bourgeoisie libérale acquises au socialisme font leur entrée au gouvernement comme CASERES QUIROGA, père de l'actrice Maria CASERES dont beaucoup ont encore le souvenir. Mais la droite réagit par une violence meurtrière. Les pistoleros des brigades fascistes de la mort, font régner une terreur blanche contre-révolutionnaire. Y répond la violence rouge. Ainsi à l'assassinat du 12 juillet 1936 de JOSE CASTILLO, officier des Gardes d'Assaut, membre des jeunesses socialistes répond la mort d'un monarchiste, le lendemain, Joaquim CALVO SOTELO. Cette mort est le prétexte du pronunciamiento fomenté par les généraux factieux groupés autour de leur chef MOLA. FRANCO d'abord hésitant attend son heure. En six mois, de février 1936 à juillet 1936, "269 Espagnols sont victimes d'attentats de tous bords" (A. DULPHY).

C'est en juillet 1936 que le destin de JOSE ARESTE se scelle avec son engagement armé dans la défense de la République.

3. Le clergé est resté puissant. Il est majoritairement conservateur avec une hiérarchie très soucieuse de conserver son influence dans les choix politiques de la société. Il est attaché à conserver une influence prépondérante dans l'éducation des jeunes.

Le clergé, en 1931, est riche. Il a su reconstituer une grande fortune après la dislocation de ses biens au XIXe siècle en sachant mettre en place un efficace système bancaire lié à une spéculation capitaliste active. En 1930 il compte environ 20 000 moines, 60 000 religieuses, 35 000 prêtres. Il y a près de 5 000 couvents dont 1 000 d'hommes, le reste de femmes (source H. THOMA.) Cependant la foi religieuse des espagnols se limite pour la grande majorité au baptême, au mariage, à l'enterrement. Même élevés dans les écoles religieuses ils ne vont ni à confesse, ni à la messe à cette époque.

La puissance réelle de l'église mais qui apparaît obscure, son attitude dogmatique, intégriste déclenchent à son égard de terribles colères de la part du peuple. A BARCELONE, lors de la semaine sanglante, ce sont des dizaines de couvents et d'église qui ont été détruits ou incendiés (1909).

L'archevêque de Tolède, SEGURA, primat d'ESPAGNE lance en 1931 une véritable déclaration de guerre à la République. Il soutient au moment voulu de facto le coup d'état de MOLA, FRANCO et de leurs acolytes. Il va même, illégalement jusqu'à vendre des objets du culte en or pour les alimenter en armes et munitions. Avec ce prélat l'église choisit très tôt son camp, dans le sang des ouvriers et des paysans sans terre pour continuer à régner dogmatiquement. Elle se range dans la guerre du côté de ceux qui fusillent en masse et vont pratiquer le garrot jusque dans les années 1970. FRANCO, généralissime au 1er Octobre 1936, président incontesté de la phalange ne se proclamait-il pas avant tout "l'épée de Dieu contre le Mal" ! le "Mal" est ce que représentaient les idées de libération sociale défendues par la gauche républicaine espagnole. Communistes, socialistes, anarchistes étaient ce "Mal".

Mais l'église catholique n'est pas une force réactionnaire monolithique n'ayant finalement sécrété que de l'arriérisme répressif. Au XIXe siècle et pendant tout le début du XXe elle a mis en place un système d'enseignement secondaire et supérieur de qualité mais réservé à ceux qui pouvaient se le payer. Elle a, par cet instrument participé à la formation des élites bourgeoises appelées à prendre des postes de responsabilité au plus haut niveau. AZANA, le président socialiste est un produit de cette éducation mais il s'en est libéré, rejetant tout à la fois le dogmatisme et la croyance en Dieu. La PASIONARIA fut une jeune femme extrêmement pieuse avant d'adhérer aux idées communistes. D'autre part le curé de base doit être distingué du haut clergé : " les curés de campagne étaient souvent regardés comme des conseillers bénévoles qui pouvaient parfois avec succès intercéder auprès des autorités en faveur des opprimés. Mais la classe ouvrière espagnole enrageait littéralement lorsqu'un prêtre se montrait hypocrite, en trahissant de manière flagrante les enseignements du Christ sur la pauvreté, ou en donnant des marques outrancières de respect aux personnes bien nées. Dans de tels cas, il n'y avait pas pour un tel prêtre de traitement trop déplaisant et son église risquait même d'être incendiée " (H. THOMAS 1976).

On comprend finalement l'anticléricalisme de JOSE qui, adolescent, constate que la religion catholique emmenée par SEGURA se comporte vis à vis de lui comme un ennemi de classe qui s'apprête à ne lui faire aucun quartier, tant elle veut purger le pays de ce qui pour elle représente le diable rouge.

4. Artistes et intellectuels vont dans leur grande majorité se ranger du coté de la République et la purge opérée par FRANCO laisse un pays exsangue au plan de la culture et de la création artistique et intellectuelle.

L'ESPAGNE en 1931 est riche d'intellectuels et d'artistes. L'avènement de la République est pour beaucoup d'entre eux l'espoir d'une ouverture plus grande au monde. Mais la violence les rattrape, la mort est au rendez-vous. Le meurtre par la droite extrême de GARCIA LORCA pourtant éloigné de toute pratique révolutionnaire déclenche l'indignation, un cri d'horreur des pays démocratiques voisins.

En 1930 l'ESPAGNE possède plus de salles de cinéma que la France. Les bourgeois libéraux au XIXe siècle ont été pour beaucoup dans l'avènement d'une intellectualité active dont la résonance dépasse largement les frontières de l'ESPAGNE. Ils ont mis vers 1880 par réaction contre l'emprise des religieux un institut d'enseignement supérieur où règne la libre pensée. Les enseignants étaient des professeurs relevés de leurs fonctions pour avoir refusé de prêter serment à "l'église, la couronne et la dynastie". L'éducation dispensée s'inspire largement des philosophes allemands et anglais d'alors. L'institut fait connaître à l'étranger la culture espagnole. Il forme des contestataires convaincus des structures dictatoriales instaurées dans le régime de gouvernement par PRIMO DE RIVERA de 1923 à 1930. A l'avènement de la république en 1931 ce sont des hommes qui furent étudiants de l'institut qui prennent un certain nombre de responsabilités ministérielles : ministère de la justice avec F. DE LOS RIOS, de la marine avec CASARES QUIROGA, du développement avec le jacobin des Asturies ALVARO DE ALBARNOZ, de l'éducation avec le catalan MARCELINO DOMINGO. La grande vivacité de la culture espagnole joue un rôle de premier plan dans les aspirations régionalistes. La Catalogne en 1931 voit ainsi se multiplier les publications, les journaux, les œuvres littéraires en langue catalane.

L'apport des intellectuels est de première importance dans l'organisation d'un enseignement laïc, généralisé, républicain. Il se conjugue à l'aspiration vive et profonde des ouvriers et paysans à l'accès le plus large possible à l'éducation. Aspiration que portent leurs organisations syndicales et politiques. La possibilité pour JOSE d'être allé à l'école et, après douze ans, d'avoir approfondi son premier savoir, le soir, tient à la pugnacité des progressistes de gauche de toute condition. Mais JOSE avait il malgré cela accès aux textes de GARCIA LORCA, de MACHADO ... dont les renommées poétiques étaient internationales, avait il une notion de la peinture espagnole et de ses avants gardistes comme PICASSO et DALI, savait-il que MANOËL DE FAYA faisait vibrer une musique espagnole bien au-delà de l'ESPAGNE? Très partiellement peut être car le monde des travailleurs même si sa conscience politique est grande en ESPAGNE reste, à l'époque, encore très éloigné d'une culture qui, dans toute l'Europe, est prioritairement destinée aux classes bourgeoises dominantes, pour préserver leur avenir dans l'exploitation capitaliste du plus grand nombre. On mesure actuellement le progrès heureusement réalisé grâce aux luttes sociales acharnées qui se sont succédées. Mais il reste encore beaucoup à faire à l'orée du XXIe siècle pour un accès plus grand encore à la culture comme le souligne si bien le communiste français Jacques RALITE dans ses différents écrits.

5. Ouvriers, journaliers agricoles, autres travailleurs que sont des petits fonctionnaires, artisans, commerçants, étudiants ont constitué dés la deuxième partie du XIXe siècle en ESPAGNE un prolétariat diversifié porteur de l'ardente volonté d'une société de liberté, de justice, de dignité humaine et d'égalité sociale. Cette volonté s'est trouvée en phase avec celle de libéraux progressistes issus de la bourgeoisie dans l'avènement du Front Populaire en février 1936. FRANCO et les autres généraux factieux, le haut clergé espagnol en briseront l'élan libérateur pour de longues années.

A la fin du XIX e siècle l'ESPAGNE est essentiellement rurale, l'économie reposant pour une très large part sur l'agriculture. La société agraire est profondément inégalitaire. Les terres appartiennent en majeure partie dans les régions étendues de l'ESPAGNE, comme en Andalousie, à des grands propriétaires - les latifundias- résidant en ville et à une bourgeoisie rurale aisée qui tire ses revenus de moyennes propriétés. Ce système engendre une masse très importante de journaliers agricoles que leur situation dure, précaire, misérable jette dans des révoltes fréquentes toujours durement réprimées. Le prolétariat espagnol de la terre est majoritairement anarchisant, gagné par la pensée de BAKOUNINE. Lorsque les révoltes sont victorieuses, toujours de manière éphémère, elles instaurent des microsociétés collectivistes. Ce fonctionnement communautaire qui apparaît en Andalousie, en Aragon, en Catalogne ne manque pas d'originalité dans l'Europe d'alors. Les journaliers de ces régions s'engageront en masse dans l'armée républicaine pour défendre le Front Populaire tout comme JOSE en juillet 1936.

Pour ce qui est de la classe ouvrière, elle voit constamment ses effectifs augmenter depuis la fin du XIXe siècle avec les flux incessants migratoires d'origine paysanne compte tenu de la survie aléatoire de beaucoup de ruraux. L'ESPAGNE n'est pas différente en cela de ses voisins européens.

Le processus industriel, bien qu'accumulant des retards, tente de s'améliorer entre 1920 et 1930 avec le régime de PRIMO DE RIVERA. Mais dans l'ensemble les ouvriers vivent des conditions de travail très dures et dans leur milieu la grande misère sevit au quotidien pour beaucoup d'entre eux. Elle aussi est à l'origine de terribles flambées de violence comme la semaine tragique de BARCELONE en 1909 et le soulèvement des Asturies en Octobre 1934. La semaine tragique vit une cinquantaine d'édifices religieux incendiés.

La révolte des Asturies emmenée par 50 000 mineurs, un bref moment fut victorieuse et constitua un gouvernement propre. Elle fut réprimée sur ordre de LERROUX et de ses colistiers de droite avec une violence inouïe par FRANCO et GODET à la tête de la légion et des supplétifs marocains. Préfigurant la guerre civile de 1936 - 1939 elle fit de nombreuses victimes et compte parmi l'un des moments les plus tragique de la classe ouvrière mais aussi des plus glorieux.

Dés le début du XXe siècle le prolétariat ouvrier espagnol se politise avec vigueur. Les années 1917 à 1920 le virent aux portes du pouvoir et l'histoire les appelle le triennat bolchevique dont les utopies s'écroulent face à Primo de Rivera et aux droites espagnoles. Cependant à l'avènement de la République en 1931 le prolétariat ouvrier est fort par ses organisations où, à la différence des autres pays européens, la composante anarchiste est très active et importante.

JOSE en 1931 et encore plus en 1934-36 a bien identifié ce qu'il considère comme ses "ennemis de classe" regroupés dans le Front national adversaire du Front populaire emmenés par la C.E.D.A. avec la bourgeoisie réactionnaire, les monarchistes, une grande partie du clergé et de l'armée. - La CEDA est alliée aux fascistes qui constituent la J.O.N.S. (Juntas de Ofensiva National sindicalista) - Il est, en juillet 1936, moment où il devient un soldat, complètement acquis à la défense du Front Populaire qui groupe les partis, syndicats et mouvements représentatifs des différentes catégories de travailleurs urbains et ruraux et de bon nombre de laissés pour compte de l'exploitation capitaliste. Les partis sont le parti socialiste espagnol, le PSE, le parti communiste espagnol, le PCE, la mouvance des libéraux de gauche, des radicaux, le POUM-, les anarchistes-. Les syndicats et mouvements sont l'UGT, Union Général de Trabajadores ou Union générale des travailleurs, la CNT, Confédération national del trabajo ou confédération nationale du travail.

Le parti socialiste espagnol s'est structuré à partir de 1879 en même temps que sa facette syndicale, l'UGT. Les socialistes sont très divers, les uns sont des réformistes proches des libéraux progressistes, les autres peuvent être des révolutionnaires convaincus. Leur influence grandit quant en 1908 ils créèrent les "casas del pueblo, "les maisons du peuple, dotées chacune de salles de réunions, d'une bibliothèque de prêt et d'un café. L'UGT dépassa en nombre le PSE. Pablo IGLESIAS, un imprimeur, incorruptible, combatif, fut le père spirituel du PSE et de l'UGT. Après sa mort en 1925 Francisco LARGO CABALLERO, un plâtrier ayant les mêmes qualités prit le relais, très populaire auprès de milliers de travailleurs. INDALECIO PRIETO, beaucoup plus proche des classes moyennes, orateur efficace devint son concurrent au sein du PSE. LARGO CABALLERO durcit au cours du temps les positions du PSE. Face à la reprise en main du pays par des tendances réactionnaires de droite il déclare en 1933-34 "si la légalité ne nous est d'aucune utilité, si elle fait obstacle à notre avance, alors nous contournerons la démocratie bourgeoise et poursuivrerons la conquête révolutionnaire du pouvoir". On est bien loin avec le leader du PSE de son homologue LEON BLUM en France, très attaché à la légalité parlementaire. Mais la situation politique des deux pays est bien différente.

Le parti communiste espagnol est, bien plus modeste que le PSE. Il a dix sept députés aux CORTES en février 1936. A sa tête une personnalité, d'une rare énergie, la Pasionaria, incarne le féminisme révolutionnaire. Elle dénonce avec la plus extrême vigueur le fascisme montant espagnol des "bandits liés à l'international fasciste orchestrée par HITLER à Berlin et MUSSOLINI à Rome". Ses dirigeants sont jeunes avec JOSE DIAZ, VINCENTE URIBE, ANTONIO MIGE, JESUS HERNANDEZ. Une partie est issue de l'anarchie. Ils succèdent à des plus anciens qui avaient pris très tôt de la distance par rapport au régime instauré par STALINE en URSS et qui en avait souligné les dangers pour le communisme. A souligner qu'en Catalogne le parti socialiste unifié de Catalogne, le PSUC, est dirigé par les communistes. C'est vraisemblablement à ce parti que JOSE fit confiance. Le POUM- Partido Obrero de Unification Marxista (Partie ouvrier unifié Marxiste) a pour leader Joaquim MORIN. Ses fondateurs furent, entre autres, Julian GORKIM, un ancien du PCE, de ceux qui refusèrent dès 1920 la ligne prise par l'URSS et André Nin qui suivit la même trajectoire. Son obédience se réclame de la ligne tracée par TROTSKY, un des leaders de la révolution russe de 1917 avec LENINE et qui fut assassiné à l'étranger sur ordre de STALINE. Son opposition au PSE et au PCE conduisit à des divisions suicidaires lors de la guerre contre FRANCO, à de véritables tragédies au sein de la gauche républicaine espagnole. Les anarchistes qui représentent deux millions de personnes, surtout en Andalousie et en Catalogne, sont regroupés dans la CNT dirigée en fait par le mouvement clandestin, la FAI, fédération Anarquista Iberica. GARCIA OLIVER, BUENAVENTURA DURRUTI, CIPRIANO MERA, ISAAE PUENTE sont ses leaders. Ils formeront leurs propres bataillons lors de la guerre. La colonne DURRUTI se porta aux avant postes de la bataille d'Aragon mais pas toujours avec la rigueur combattante nécessaire. Son chef fut assassiné dans des conditions qui restent encore obscures. ABEL PAZ, soldat libertaire de 15 ans dans cette colonne, en retrace dans un ouvrage récent le parcours héroïque et souvent difficile.

Des destins qui se croisent par delà les frontières