Résister au fascisme

prisonnier en camp de concentration en France
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JOSE en camp de concentration en France

JOSE et les autres combattants, ses camarades, passent la frontière proche de COLLIOURE en février 1939. Une masse de réfugiés civils les a précédés, une masse les accompagne, une autre masse les suit. Deux cent vingt six milles déclarent à la chambre des députés JEAN YBERNEGARAY, en réalité ils sont 275 000 environ. Le comité d'accueil organisé par le gouvernement DALADIER. RAYNAUD est particulièrement musclé, gendarmes, gardes mobiles, tirailleurs sénégalais, spahis, légion étrangère deviennent les gardiens armés, brutaux, des républicains fuyant la terreur blanche franquiste.

Un seul camp a été prévu quelque temps auparavant, ARGELES SUR MER, les autres sont installés dans la hâte. Tous sont dans le dénuement même tant l'équipement est sommaire, l'horreur est au rendez-vous. Des blessés se gangrènent, des enfants meurent dans le froid, des enfants voient leur mère mourir d'épuisement. La famine, la dysentrie, le typhus, les pneumonies... vont régner sur les plages cernées par la mer et les barbelés.

Les républicains espagnols avaient une image valorisante de la FRANCE, pour eux terre des libertés avec la révolution de 1789, la commune de PARIS de 1871 et terre d'asile au nom même de la déclaration des droits de l'homme. L'image était renforcée par la lutte, à leurs cotés, des brigades internationales françaises. L'atteinte à la dignité humaine, l'atteinte à la liberté, à l'égalité, à la fraternité est en réalité ce qui se passe. Notre devise républicaine est ignorée. L'indicible qui préfigure l'horreur nazie et de son complice, le gouvernement de PETAIN. LAVAL, opère dans les camps où sont entassés les ESPAGNOLS. Ainsi la police française, très tôt, isole en forteresse et dans le trop tristement célèbre camp du Vernet, qui fonctionnera comme camp de déportation jusqu'à la fin de la deuxième guerre mondiale, les antifascistes espagnols et étrangers qu'elle considère comme les plus dangereux pour l'ordre établi en France par les droites acquises plus tard à Pétain. Elle met en place, un peu partout, des quartiers disciplinaires avec lieux de punitions baptisés par les ESPAGNOLS avec humour, "l'hippodrome".

Le livre de GENEVIEVE DREYFUS - ARMAND et EMILE TEMIME "les camps sur la plage, un exil espagnol" - édit Autrement-les décrit avec précision. Il est une contribution à notre histoire. La gauche française tente de porter secours aux espagnols réfugiés en FRANCE et ne désirant pas prendre le chemin de l'Amérique de sud : les communistes jusqu'à ce qu'ils soient à leur tour pourchassés et internés, les socialistes qui refusent les atteintes aux valeurs de la liberté, les libertaires, les intellectuels antifascistes, les associations protestantes et catholiques, la foule des anonymes non engagés politiquement mais très attachée aux vraies valeurs républicaines. Mais malheureusement cet ensemble est assez minoritaire, la défiance dans la population prévaut et annonce l'adhésion d'un grand nombre au gouvernement de PETAIN en 1940-41.

JOSE a faim, à son âge la faim est terrible. Une seule tourte de pain est partagée entre 24 personnes pour une journée ou alors, un peu plus tard, une assiettée d'un bouillon où flotte du rutabaga ou quelques pois chiches.

Voici comment le docteur PUJOL, un interné, décrit les scènes de distribution de pain :

" A trois heures une fourgonnette militaire pleine de pain arriva. On déchargea le pain sur le sol , et un gendarme juché sur une chaise, le jetait à la multitude affamée qui se battait pour récupérer un morceau...Par la suite, on perfectionna le procédé. Des gardes à cheval arrivaient et faisaient la répartition du pain en le lançant du haut de leurs montures, se divertissant beaucoup du spectacle offert par les hommes qui se disputaient comme des chiens pour un morceau de pain. On appelait cela avec humour la curée." Ce rituel dura quelques dizaines de jours. Par la suite, on distribuait aux internés de la nourriture crue, qu'il fallait faire cuire comme on pouvait avec le bois rejeté par la mer. ( G. DREYFUS - ARMAND - E. TEMIME -" les camps sur la plage, un exil espagnol")

JOSE a froid, terriblement froid au cours de cet hiver 1939. Comme ses camarades il ne dispose que de sa seule couverture de fantassin. Pour avoir moins froid, la nuit, il s'enterre avec un copain dans le sable de la plage.

Mais la résistance interne s'organise. Ainsi un système où l'homme retrouve la dignité qui lui permet de survivre et de conserver sa volonté de lutter est mis en place par l'accès à une plus grande culture. " EULALIO FERRER raconte que, pour célébrer l'anniversaire du 19 juillet 1936, jour de la riposte populaire au pronunciamiento , les internés du BARCARES ont présenté des pièces populaires espagnols et un "festival de variétés". Un "temps libre" est toujours prévu pour la promenade, la détente ou les occupations personnelles. Ces bulletins dressent un bilan du travail réalisé dans le camps et en définissent les objectifs. Alphabétisation, enseignement primaire, cours de langue en français, anglais ou catalan ..., leçon d'hygiène et d'éducation sexuelle, mais aussi cours de perfectionnement (algèbre, trigonométrie...) se succèdent à un rythme impressionnant et attirent des centaines d'élèves. L'éducation physique et sportive fait également l'objet d'une organisation rigoureuse afin de contribuer au maintien en forme des internés. Ainsi, à GURS, en juillet 1939, 3883 élèves suivent 110 cours dispensés par 42 enseignants et 49 étudiants.

Parallèlement aux inventions graphiques, la création littéraire est présente dans les bulletins des camps, en continuité avec la période de la guerre. De courts poèmes font un écho inversés, avec leur vers irréguliers et nostalgiques, au ton épique du romancero de la Guerre civile. Des récitals de poésie sont organisés chaque soir dans les rincones de cultura (les coins de la culture). Quelques livres sont même réalisés à Argelès : recueils de caricature et de poèmes, édition manuscrite, en un exemplaire, du Romancero gitano de LORCA.

Les activités artistiques entreprises dans les camps avec l'appui de comités de solidarité qui fournissent papier, crayons, encre et couleurs, se traduisent par de véritables expositions comme celles qui ont lieu dans la " baraque de la culture" du camp d'Argelès. Parfois même, elles permettent à quelques réfugiés d'accéder à un autre statut, en étant reconnus à l'extérieur, comme ce groupe de peintre de dessinateurs - et de poètes - du camp d'ARGELES qui sont accueillis dans une dépendance du château voisin de VALMY, où ils peuvent s'adonner à leur art.

Artistes et enseignants revendiquent hautement la grandeur de leur tâche. Ils ont aussi le sentiment de représenter les valeurs culturelles de l'ESPAGNE : "étudiants du camps d' ARGELES proclament le Boletin de los estudiantes , nous continuons notre tâche de divulgation de la culture que nous avons commencée en ESPAGNE, quand la Barraca et nos Missions paysannes apportaient l'art dans tous nos villages ... Le travail constructif réalisé par la République Espagnole pendant 8 années dans le domaine de l'instruction publique a été totalement anéantie par le gouvernement de BURGOS ... Ce sont eux l'anti culture. Ils ne sont pas l'ESPAGNE. C'est nous qui sommes l'ESPAGNE."

Les activités culturelles développées dans les camps d'internement ne sont pas seulement le fait d'une petite minorité. De nombreux internés participent aux cours, aux discussions ou aux soirées poétiques. Ils contribuent à l'élaboration d'humbles objets ou participent à de modestes créations littéraires, témoignages d'une culture répandue bien au-delà d'une élite intellectuelle, et reprise à leur compte par des autodidactes, souvent issus des syndicats ouvriers. " Des artistes se sont révélés. Avec les os des vaches et des chevaux que nous consommons, ils ont fait des bagues, des statuettes et divers ornements un peu simples peut-être, mais qui vont se répandre partout, apportant aux foyers abandonnés bien à regret le témoignage vivant de l'absent." ( G. DREYFUS - ARMAND - E. TEMIME -"les camps sur la plage, un exil espagnol ")

JOSE joue sur son jeune âge pour se faire transférer de camp en camp avec l'espoir à chaque étape d'améliorer ses conditions d'existence : ARGELES - AGDE - ST CYPRIEN -PERPIGNAN sont ses lieux successifs de résidence. Finalement avec la déclaration de guerre de la FRANCE à l'ALLEMAGNE nazie il s'engage dans le corps spécial, fait de républicains espagnols, qui doit lutter contre l'envahisseur hitlérien. Il est alors versé dans la neuvième compagnie rattaché au 18e corps d'armée et provisoirement il stationne à HENDAYE. Une autre page de son histoire est en train de se tourner.

Des destins qui se croisent par delà les frontières